Uniforme à l’école : ingérence du maire de Limoges dans les conseils d’école

La CGT Educ’action interpelle l’Inspectrice d’académie de Limoges au sujet d’un courrier envoyé par la mairie de Limoges aux directeurs et directrices d’école leur demandant de porter à l’ordre du jour du conseil d’école la question de la participation ou non de leur école à l’expérimentation de l’uniforme. Le Maire souhaite que cette expérimentation soit mise en œuvre à Limoges à la rentrée de septembre 2024 et veut recenser les écoles élémentaires volontaires !

Courrier de la CGT Educ’action Limousin

CGT Éduc’action Limousin
cgt.educaction.limousin@gmail.com

à Madame l’inspectrice d’Académie de Limoges
Limoges, le 4 février 2024
Madame l’Inspectrice d’Académie,

La mairie de Limoges a transmis le message cidessous à toutes les écoles de la ville :
Mesdames les Directrices et Messieurs les Directeurs des écoles élémentaires et primaires,
Comme vous le savez, Monsieur le Président de la République a récemment confirmé le lancement d’une expérimentation nationale du port d’une tenue scolaire unique dans les écoles, collèges et lycées intéressés.
M. Le Maire de la Ville de Limoges souhaite que cette expérimentation soit mise en œuvre à Limoges à la rentrée de septembre 2024.
Pour recenser les écoles élémentaires volontaires, je vous remercie de bien vouloir porter à l’ordre du jour de votre conseil d’école du deuxième trimestre la question, qui devra faire l’objet d’un vote, de la participation ou non de votre école à cette expérimentation.
Pour votre information et celle de vos partenaires, vous voudrez bien trouver en pièces jointes les documents sur ce sujet édités par le Ministère.
Un courrier de M. Le Maire vous sera adressé dans les prochains jours pour vous apporter des précisions quant aux modalités locales de mise en œuvre de cette expérimentation.

Restant à votre écoute pour toute question,

Ce message n’a pas manqué d’interpeler nombre de nos collègues et appelle de notre part de nombreuses remarques notamment liées à l’ingérence subite de la mairie de Limoges dans le
fonctionnement des conseils d’école :

Il n’appartient pas au Maire de fixer l’ordre du jour du Conseil d’école qui est arrêté par le directeur ou la directrice d’école. L’article D4112 du Code de l’Education qui définit les attributions du Conseil d’Ecole prévoit la consultation du conseil d’école à l’initiative du maire uniquement dans son 7°) : « Est consulté par le maire sur l’utilisation des locaux scolaires en dehors des heures d’ouverture de l’école, conformément à l’article L. 21215. »

Le guide du Ministère intitulé « Accompagnement à la mise en œuvre d’une tenue vestimentaire commune dans les écoles, les collèges et les lycées publics volontaires : Questions/Réponses » indique : « Qui sera l’interlocuteur désigné pour l’éducation nationale (IEN, DASEN, etc.) ? Le DASEN est l’interlocuteur de la collectivité territoriale et de l’école ou de l’établissement concerné. Au niveau national, le bureau de la réglementation et de la vie des établissements de la DGESCO apporte son appui aux DASEN ».
Monsieur le maire de Limoges ne peut ignorer ce principe posé puisqu’il transmet ce document en pièce jointe à son message. Il y a donc dans la démarche de Monsieur le Maire la volonté de vous courtcircuiter pour imposer sa volonté.

Pour s’engager dans cette expérimentation, il est nécessaire de modifier le règlement intérieur. Une telle modification ne peut être à l’initiative de la collectivité puisque l’article du
code de l’Éducation précité stipule : « Le conseil d’école, sur proposition du directeur de l’école : 1° Vote le règlement intérieur de l’école ». En conséquence, la modification du
règlement intérieur ne peut avoir lieu sans une proposition portée par le directeur ou la directrice d’école.


En conséquence, il nous semble que la communication directe de la Mairie, en rupture avec le cadrage prévu par le Ministère, constitue un précédent d’ingérence de la collectivité sur les compétences de l’Education Nationale. Nous vous demandons de bien vouloir apporter une information claire aux écoles rappelant votre position d’interlocuteur de la mairie sur ces questions et indiquant les prérogatives très limitées de la collectivité sur l’ordre du jour du conseil d’école.

Nous profitons de ce courrier pour vous préciser la position de la CGT Éduc’action concernant cette volonté d’expérimentation de l’uniforme dans les écoles et établissements présentée comme devant permettre de « lutter contre les inégalités sociales », de développer « le sentiment d’appartenance à la communauté nationale » ou encore de permettre « un retour à l’ordre et à la discipline ».

Pour la CGT Educ’action, ce sont les projets que l’on vit ensemble qui fédèrent, rassemblent et peuvent éventuellement rendre fier·e d’appartenir à un groupe et non le fait de s’habiller toutes et tous pareil·les.

Nous ne sommes pas dupes des discours grandiloquents sur la « lutte contre les inégalités sociales ».
Ce sont avant tout les quartiers populaires qui sont visés par ces « expérimentations » et par l’ensemble du débat politique actuel autour de l’uniforme : il s’agit de discipliner les élèves et les
habitant·es de ces quartiers, constamment suspecté·es de ne pas avoir de « sentiment d’appartenance à la communauté nationale » et de ne pas « respecter les valeurs de la République ». C’est un pas de plus dans une politique de stigmatisation profondément réactionnaire qui traite tout un pan de notre jeunesse comme une classe dangereuse.

Croire que l’uniforme va « lutter contre les inégalités sociales » est tout simplement ridicule.

Pour lutter vraiment contre les inégalités sociales, il faut en réalité mener une politique sociale ambitieuse de renforcement et d’accompagnement des populations défavorisées. Être obligé·e de rappeler cette évidence montre l’étendue de la vacuité du débat politique aujourd’hui.

Enfin, pour la CGT Educ’action, l’argent gaspillé dans cette « expérimentation » devrait être utilisé de manière pertinente en améliorant par exemple l’encadrement des élèves par des professionnel·les ou en garantissant la gratuité de l’École. Le coût de cet uniforme représenterait à terme l’équivalent de 25.000 postes d’enseignant·es, de quoi régler le problème du remplacement cher à Madame la ministre.


Nous vous prions de croire, Madame l’Inspectrice d’Académie, en notre engagement pour le Service Public et Laïque d’Éducation Nationale.


Pour la CGT Éduc’action Limousin

Son secrétaire général,

Quentin SEDES

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